La façon de penser d’APIDOR
Notre position
Les systèmes d’information numériques (que nous désignerons souvent dans la suite par les termes « application » ou « logiciel »), loin de constituer un domaine réservé aux seuls informaticiens ou à la seule direction, sont l’affaire de tous les acteurs de l’organisation. Le dialogue social autour de ces systèmes est indispensable pour traiter des enjeux qu’ils représentent pour la vie des salariés au travail, pour la performance de l’organisation et pour l’avenir même de celle-ci.
La technologie numérique présente cependant des caractéristiques propres qui doivent être prises en compte. Le dialogue social autour du numérique doit ainsi être soutenu par des outils méthodologiques spécifiques. Pour qu’ils soient efficaces, ces outils ne doivent pas considérer les systèmes numériques comme des boîtes noires, mais doivent au contraire comprendre finement leurs modes d’impact sur la vie des salariés, les collectifs et l’organisation dans sa globalité.
Sommaire
Intentionnalité d’APIDOR
Bien-être et citoyenneté au travail dans le droit du travail
Thématiques APIDOR du bien-être et de la citoyenneté au travail
Le dialogue social autour des projets informatiques : un processus à inscrire dans le temps
Distinction entre système d’information et système d’information numérique
Les cibles d’APIDOR
Périmètre d’APIDOR
Intentionnalité d’APIDOR
APIDOR est une méthode d’accompagnement des projets informatiques par et pour le dialogue social. Elle se situe dans une logique de prévention des risques, notamment (mais pas exclusivement) de santé et de bien-être au travail, en soutenant le dialogue social pendant les projets numériques.
La vision du bien-être et de la citoyenneté au travail qu’APIDOR adopte se veut plus approfondie et plus large que les acceptions habituelles (voir plus bas), et s’appuie à la fois sur le droit du travail (voir plus bas), sur les travaux de l’INRS1 et sur les apports de la méthode ISIDOR.
Dans cette perspective, APIDOR considère le dialogue social comme devant faire partie intégrante de la gestion d’un projet numérique.
Ceci implique que les acteurs du dialogue social soient considérés comme des acteurs à part entière du projet numérique et puissent ainsi coopérer avec les autres parties (décideurs financiers, spécialistes du numérique, décideurs et acteurs du domaine métier concerné…).
Ceci implique également que les acteurs du dialogue social disposent des moyens de cette coopération et les investissent concrètement : temps affecté par l’organisation, formation minimale à la gestion d’un projet numérique, notamment à la compréhension des documents de modélisation (modèles de données, de processus…).
APIDOR se positionne comme un outil d’aide à la médiation entre les acteurs « classiques » du projet numérique et les acteurs du dialogue social, dans le but que le système qui sera développé (logiciel, application…) garantisse le bien-être au travail de ceux qui l’utiliseront et, plus largement, participe à la performance de l’organisation.
Dans cette perspective, la méthode offre un ensemble d’aides pour comprendre le fonctionnement d’un projet numérique (vocabulaire, types d’acteurs, phases, contraintes…), afin de rendre possible tout au long du projet l’expression des besoins liés au bien-être et à la citoyenneté au travail et leur intégration dans la future application.
Pour chaque phase du projet, APIDOR propose des pistes pour mener à bien le dialogue social pendant la phase.
APIDOR s’appuie très largement sur les apports de la méthode ISIDOR, utilisée comme boîte à outils conceptuels.
De nombreux renvois aux éléments de la méthode ISIDOR sont faits tout au long du présent document.
Bien-être et citoyenneté au travail dans le droit du travail
Citoyenneté dans l’organisation : un droit reconnu depuis les lois Auroux
Demeuré lettre muette mais jamais rayé du code du travail, le « droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail »2, reconnu aux salariés par les lois Auroux de 1982 pour instituer leur citoyenneté dans l’entreprise, revient aujourd’hui sur le devant de la scène, quelque peu revisité.
Ce droit a, en effet, été précisé par l’ordonnance de septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise. Cette ordonnance prévoit que les modalités d’exercice de ce droit sont définies dans le cadre de la négociation portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail3. Ladite négociation initialement régie par l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 relatif à une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle4 l’est désormais par l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail5.
Telle est la nouvelle articulation prévue entre démocratie directe (ou droit d’expression directe ou dialogue professionnel) et démocratie représentative (ou droit d’expression indirecte ou dialogue social) dans l’entreprise, la seconde organisant donc la première.
Qualité de vie au travail : une définition large incluant la citoyenneté
La nature du lien établi entre le droit d’expression directe et la qualité de vie au travail ressortait quant à lui de l’article 12 de l’accord de 2013, qui voit dans le droit d’expression directe « un des éléments favorisant [la] perception [par les salariés] de la qualité de vie au travail et du sens donné au travail ». Bien qu’ayant juridiquement cessé de produire effet, cet accord fondateur de 2013 demeure la référence aux termes mêmes de l’Accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 sur la santé au travail.
La qualité de vie au travail est définie à l’article 1er de l’ANI de 2013 comme « un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ». La qualité de vie au travail est elle-même présentée dans le préambule de l’accord comme permettant d’accroître la performance collective de l’entreprise et sa compétitivité.
Le passage de la notion de qualité de vie au travail à celle, plus large, de bien-être au travail suggère d’articuler bien-être au travail et citoyenneté. L’implication effective et reconnue des salariés dans la vie de l’organisation, synonyme de leur statut de « citoyen » de cette dernière, établit le lien entre bien-être au travail, d’une part, performance et compétitivité, d’autre part.
Un droit d’expression directe qui restait limité
Cette définition de la qualité de vie au travail assimilée au bien-être au travail ne peut qu’emporter l’adhésion tant elle semble soutenir les valeurs d’une organisation démocratique. Mais une lecture complète de l’article 12 de l’accord de 2013 révélait que le droit d’expression directe et collective des salariés, loin de servir une réelle dispute démocratique dans l’organisation, était réduit au simple droit de faire remonter à la hiérarchie et aux instances représentatives du personnel les propositions issues des échanges menés dans des espaces de discussion organisés en groupes de travail.
Un nouveau socle pour le développement d’un véritable dialogue dans l’organisation
« La démocratie économique dans l’entreprise comme dans la cité doit d’abord se nourrir du vécu »6 et de l’expression par les travailleurs de leurs expériences du travail réel. Ces propos, tenus il y a plus de 40 ans, s’imposent assurément plus encore à l’heure où de profondes transformations du travail s’opèrent, générées, notamment, par les évolutions technologiques.
En affirmant notamment que « la prévention des risques professionnels nécessite une mobilisation de tous les acteurs de l’entreprise y compris les salariés et leurs représentants », que « les salariés ont une connaissance précise de la manière dont est réalisé le travail et des éventuels problèmes rencontrés, sous l’angle de la prévention », qu’il est donc « important de recueillir et de prendre en compte ces points de vue pour bâtir une politique de prévention… » et que « dans les TPE-PME, notamment en l’absence de représentation du personnel, la QVCT peut aussi être abordée dans un dialogue direct, actif et constructif entre les salariés, leurs responsables hiérarchiques et l’employeur », assurément l’ANI du 9 décembre 2020 renoue avec la philosophie des lois Auroux et donne un nouveau souffle au droit d’expression directe et collective aux côtés du droit à la négociation.
Thématiques APIDOR du bien-être et de la citoyenneté au travail
Nous retiendrons pour le bien-être et la citoyenneté au travail la définition proposée dans l’article 1er de l’accord de 2013 citée plus haut de la qualité de vie au travail citée.
Le terme « bien-être et citoyenneté au travail » sera cependant préféré ici à celui de « qualité de vie au travail », en ce que « citoyenneté » rappelle la place et le rôle essentiels des salariés dans une organisation.
Préalables
Nous présentons brièvement dans la suite les grandes thématiques qu’APIDOR propose de prendre en compte dans la conception d’une application, objet du projet, afin que cette application, lorsqu’elle sera achevée et mise en service, ait un impact positif (ou a minima neutre) sur ces aspects.
La liste des thématiques proposées n’a aucune ambition d’être exhaustive, mais, au contraire, devra être complétée, amendée par les utilisateurs de la méthode APIDOR au regard de la situation dans l’organisation considérée. Les questions de droit à la déconnexion, de limitation du temps passé sur des écrans, d’aménagement du poste de travail… ne sont, par exemple, pas directement abordées ici.
Les points présentés plus bas peuvent être traduits sous forme d’exigences fonctionnelles et non fonctionnelles (voir nos propositions).
Notons que les points concernant spécifiquement le dialogue social pendant le déroulement du projet informatique ne sont pas abordés ici, ou ne le sont que très marginalement.
Pour ces questions, nous renvoyons aux aspects communs à tout projet informatique, qui leur est entièrement consacrée.
Vie citoyenne, expression des utilisateurs et des personnes impactées
Pour que la vie citoyenne des utilisateurs et des personnes impactées puisse se développer dans de bonnes conditions, les moyens numériques devront être disponibles, pensés en ce sens.
Il peut s’agir, par exemple :
- de la consultation, depuis l’application, des procédures pour gérer son évolution (voir Phase Maintenance)
- de l’intégration dans l’application des moyens permettant aux utilisateurs et personnes impactées d’exprimer leurs besoins d’évolution de l’application après son entrée en fonctionnement et de suivre leurs demandes
- fonction de demande de modification, accès à l’historique des évolutions, à la liste des demandes et leur traitement (avec explicitation des critères de priorisation)…
Pour mémoire : la question de la participation des utilisateurs et personnes impactées au projet informatique est l’objet de la la Façon de penser, en particulier les paragraphes Acteurs et Points importants.
Système d’information et visions alternatives
Deux points essentiels dans ce thème.
Caractère explicite
L’application doit pouvoir donner accès aux définitions explicites de tous les termes présents, et en particulier de ceux désignant les objets métier et leurs caractéristiques, les indicateurs, les valeurs promues par l’organisation…
Une grande partie de ces définitions (hors celles concernant les valeurs) sont présentes dans le dictionnaire des données, qui doit être aisément accessible.
Ces définitions doivent pouvoir être discutées et/ou construites collectivement.
L’application doit permettre de saisir des demandes d’amendements à ces définitions, voire des définitions alternatives, et de consulter l’historique des demandes.
Visions alternatives aux visions dominantes
La mémorisation des définitions alternatives (ex. : définition des missions de l’organisation, d’objectifs, de valeurs comme la qualité, la performance…) doit être assurée, ainsi que la garantie d’accès à ces définitions. Ces définitions alternatives peuvent représenter une source d’innovation pour l’organisation.
Système de pilotage et décision
Caractère explicite
Les tableaux de bords (reporting) inclus dans l’application doivent présenter de façon explicite les éléments du système de pilotage concernés (définitions des finalités, objectifs, indicateurs…).
L’application doit permettre de saisir des demandes d’amendements à ces définitions (voir plus haut).
Transparence des conventions à l’origine des indicateurs et de leur présentation
L’exigence de transparence et de pluralité doit s’appliquer à l’ensemble des données permettant d’évaluer l’activité des salariés et la santé de l’organisation :
Les conventions de quantification à l’origine des indicateurs (données sources, calculs, plages de valeurs tolérées…), ainsi que les conventions contextuelles (ex. : choix des données qui seront comparées entre elles) et sémiotiques (ex. : choix des couleurs) doivent être connues ou accessibles depuis l’application (parties tableaux de bord, reporting), et doivent pouvoir être discutées et/ou construites collectivement.
Diversité des types d’objectifs et d’indicateurs
Des objectifs trop majoritairement financiers, ou même uniquement quantitatifs, ne peuvent rendre compte de la réalité de la vie au travail, ni de ses possibilités d’amélioration (laquelle conduit à une meilleure performance de l’organisation).
Les tableaux de bord accessibles dans l’application doivent donc comprendre une diversité des types d’objectifs et d’indicateurs : quantitatifs et qualitatifs, financiers et non financiers, a posteriori (performance passée) et a priori (déterminants de la performance future)…
Impacts possibles des tableaux de bord sur les processus de décision
Il convient d’analyser, avant leur déploiement, l’impact des nouveaux tableaux de bord inclus dans l’application sur les processus de décision. Si cet impact est supposé important, le contenu des tableaux doit être débattu avec les personnes concernées (et en particulier celles dont le travail serait évalué dans ces tableaux).
Tableau de bord et objectifs/indicateurs alternatifs
Les tableaux de bord devraient pouvoir contenir des objectifs/indicateurs alternatifs. Ceux-ci doivent également être explicites, de même que les conventions qui produisent les indicateurs.
Deuxième boucle d’évaluation
La possibilité d’interroger la pertinence des objectifs eux-mêmes (deuxième boucle de suivi) doit être disponible dans l’application.
Préservation des décisions humaines
Durant la conception de l’application (c’est-à-dire durant la gestion du projet informatique), une attention particulière doit être portée aux situations où une décision jusque-là prise par un humain serait transformée en choix calculé. Cette transformation doit être acceptée par les salariés qui jusque-là prenaient cette décision eux-mêmes.
Autonomie
L’autonomie considérée ici est celles des individus, des collectifs de travail, et de l’organisation dans sa globalité. Pour les individus et les collectifs, l’autonomie peut concerner différents niveaux : tâche, organisation du travail, objectifs, finalités de l’organisation.
Limitation du guidage de la procédure de travail
L’application ne doit pas, sauf demande des utilisateurs, guider la procédure de travail de manière contraignante (hors aspects réglementaires ou de sécurité bien entendu).
Autonomie souhaitée, autonomie subie
L’autonomie des individus et des collectifs peut générer des situations de grande contrainte (et souffrance) quand des salariés ne disposent pas des ressources nécessaires (notamment de temps) pour assumer l’autonomie qui leur a été accordée/imposée. Ainsi pour participer à l’épanouissement de l’individu l’autonomie doit être choisie et non subie.
Dans le même sens, notons aussi que parfois l’existence de certaines tâches avec très peu ou pas d’autonomie peut être ressentie comme étant positive, voire nécessaire. De telles tâches peuvent en effet permettre d’alléger la charge mentale.
Limitation des perturbations pendant la tâche
Les affichages spontanés (non provoqués par l’utilisateur) de fenêtres pop-up doivent être paramétrables (par exemple en limitant leur arrivée à certaines heures que l’utilisateur détermine).
Préservation des latitudes décisionnelles des utilisateurs
La nouvelle application ne doit pas limiter les latitudes décisionnelles des utilisateurs.
Objectifs inclus, comptages
Les objectifs (de temps de réponse à une demande, de nombre de dossiers traités dans la journée…) qui pourraient être inclus dans le logiciel (par exemple par des fenêtres pop-up rappelant la cible) doivent pouvoir être discutés par les utilisateurs.
S’il est prévu que l’application, outil de travail, soit également un outil de contrôle (chronométrage, pointage, contenu, temps passé, interruptions, erreurs…), les points contrôlés doivent être connus des utilisateurs (leur liste accessible depuis l’application elle-même) et doivent avoir été discutés avec les utilisateurs.
Prise en compte des collectifs de travail, soutien aux coopérations
L’application doit préserver les coordinations et coopérations existantes et en permettre de nouvelles.
Apprentissage à l’utilisation de l’application
La formation à l’usage de l’application doit être considérée comme suffisante par les utilisateurs.
L’application doit intégrer la possibilité d’un apprentissage pendant son utilisation même, notamment au travers de messages d’erreur explicites accompagnés de conseils pour résoudre l’erreur…
Catégories d’utilisateurs et droit
La description des catégories d’utilisateurs, les droits associés ainsi que le mode de détermination de ces droits doivent être accessible depuis l’application.
Un utilisateur doit pouvoir faire une demande de changement de catégorie et la réponse qui lui est donnée doit être circonstanciée.
L’impact de l’application sur l’autonomie de l’organisation dans sa globalité
La décision de lancer le projet informatique doit faire l’objet d’une communication et de débats si cette décision est due à une pression de l’environnement, si l’application est susceptible de limiter l’autonomie de l’organisation, si des acteurs externes vont pour la première fois avoir accès au système informatique de l’organisation…
Temps, Apprentissage organisationnel
Respect des temps non directement productifs
Disposer de temps non immédiatement ou non directement productifs est une condition du fonctionnement satisfaisant de l’organisation, de sa pérennité et du bien-être des salariés. De tels temps constituent non un gaspillage inefficace mais un investissement dans la pérennité de l’organisation.
L’application ne doit pas être à l’origine de la suppression de tels temps.
Information sur le cycle de vie de l’application
La durée de vie envisagée pour l’application, si elle est connue, doit être communiquée aux utilisateurs et personnes impactées.
Apprentissage collectif
L’application doit inclure une possibilité pour les utilisateurs de partager leur expérience (problèmes rencontrés, trucs et astuces…).
Des temps doivent être institués pour cet apprentissage collectif autour de l’application.
Perception du temps, pression temporelle
Le temps tel qu’il est représenté (notamment unités) dans l’application doit être en accord avec la perception du temps des utilisateurs et personnes impactées.
L’application ne doit pas être le vecteur d’une pression temporelle accrue sur les membres de l’organisation.
Le dialogue social autour des projets informatiques : un processus à inscrire dans le temps
Le dialogue social autour du numérique en général, et au cours des projets informatiques en particulier, est peu pratiqué dans les organisations et ne fait donc pas suffisamment partie de leur expérience ni de leur culture.
Le dialogue social autour des projets informatiques est un processus à inscrire dans le temps long, qui nécessite un véritable apprentissage organisationnel.
Celui-ci, pour se consolider, doit être outillé et géré.
APIDOR peut être un soutien à cet apprentissage organisationnel, à destination aussi bien des acteurs du dialogue social que des décideurs et acteurs habituellement impliqués dans le numérique.
Distinction entre système d’information et système d’information numérique
APIDOR, s’appuyant sur les acquis d’ISIDOR distingue clairement le système d’information (SI) d’une organisation des différents systèmes d’information numériques (SIN) qui sont utilisés en son sein.
Nous présentons ici ces deux notions très brièvement. Pour plus de détails, consulter https://methodes-dialogue-social-numerique.eu/methode-isidor/systeme-dinformation-et-systeme-dinformation-numerique-representations-plurielles/.
Le système d’information existe en dehors de sa version numérique. Il est le langage de l’organisation. Comme tout langage, le SI ne code pas de façon neutre une réalité qui serait exogène. À l’inverse, un SI est porteur de visions du monde, de doxas, de croyances, et, à ce titre, participe à construire la réalité dans laquelle fonctionneront l’organisation et ses acteurs. C’est au travers de ces visions du monde que le SI exprimera la façon dont l’organisation se voit elle-même, voit son environnement et les relations qu’elle entretient avec lui, formalise et rend effectives les valeurs qu’elle promeut.
Le SI va ainsi s’exprimer au travers de lexique, catégories (nomenclature de tâches, d’actes médicaux, catégories d’acteurs dans un projet…), définitions de valeurs (ce qui est juste, bien, efficace, de qualité…), et d’indicateurs exprimant les valeurs, fonctions, organigramme, structures des processus…
Une caractéristique essentielle du système d’information est qu’il est performatif, au sens où il définit et nomme ce qui existe pour l’organisation, et où, à l’inverse, il crée un système d’invisibilité pour tout le reste.
Un système d’information numérique est une partie numérisée du SI. Cette sous-partie du système d’information revêt des caractéristiques propres à la technologie numérique.
Une caractéristique majeure d’un système d’information numérique est sa capacité à renforcer, parfois drastiquement, la normativité et la performativité propres au SI. Il réduit ainsi la complexité, rigidifie/fige des processus et une sémantique, et souvent intensifie le cadrage de l’activité.
APIDOR considère que le dialogue social autour du numérique doit considérer SI et SIN ensemble.
Rappel : le terme en usage habituellement étant celui d’application (et non de système d’information numérique), nous désignerons ce que le projet informatique doit produire par ce premier terme, et parfois, comme synonyme d’application, par celui de « logiciel ».
Les cibles d’APIDOR
APIDOR cible la partie MOA du projet informatique et aussi bien entendu l’ensemble des acteurs susceptibles d’être porteurs des besoins en matière de bien-être et citoyenneté au travail.
Quelques exemples d’acteurs pouvant utiliser APIDOR sont donnés ci-dessous.
Acteurs projets informatiques
PMO (project management office), PO (Product Owner)
Entreprise de services numériques (ESN) qui accompagnent la MOA : assistance MOA, assistance PO.
ESN qui sont des sous-traitants complets pour le projet.
Acteurs du dialogue social, les porteurs des besoins de bien-être et citoyenneté au travail
Nota : ils n’apparaissent pas dans les méthodes de gestion de projets informatiques.
Ces acteurs peuvent être des représentants élus des salariés (membres des IRP), mais ils peuvent également être des utilisateurs reconnus par leur pairs pour leur capacité à porter les besoins en matière de bien-être et citoyenneté au travail.
Acteurs de l’amélioration des conditions de travail
Les acteurs spécialistes de l’amélioration des conditions de travail peuvent également être intéressés par APIDOR : ergonomes, Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et ses agences régionales (ARACTs).
Périmètre d’APIDOR
Types de projets informatiques considérés
Cette première version d’APIDOR considère essentiellement les projets de développement (ou d’achat sur étagère) de logiciels métier, et ne traite que peu ou pas des particularités de projets spécifiques (projet de système d’aide à la décision/BI, de service Web grand public, d’ERP, d’IA…). De notre point de vue cependant, une partie assez importante des suggestions proposées ici peuvent être utiles pour ces projets spécifiques.
L’organisation « interne » au dialogue social : non traitée par la première version d’APIDOR
Ce dont APIDOR ne traite pas :
- le mode de désignation de la ou des personnes qui vont porter les besoins en matière de bien-être et citoyenneté au travail et vont être les interlocuteurs « dialogue social » des acteurs traditionnels d’un projet informatique.
- l’organisation du recueil des besoins des salariés concernés par la future application en matière de bien-être et citoyenneté au travail.
- l’organisation des retours d’information vers les salariés concernés par la future application sur l’avancement du projet quant aux thématiques portées par le DS.
Un centrage sur les acteurs « métier » (et non sur les acteurs du numérique)
Le bien-être au travail dont traite APIDOR est principalement celui des acteurs dit « métier », c’est-à-dire des futurs utilisateurs de l’application objet du projet ou des personnes impactées par celui-ci.
Le bien-être au travail des acteurs du numérique (développeurs, ingénieurs système ou réseaux, architectes…) n’est pas (ou pas encore) considéré dans APIDOR.
Ceci ne signifie en rien que ce sujet ne mériterait pas une grande attention, et ne devrait pas faire l’objet d’un dialogue social au sein des organisations. Les métiers du développement notamment subissent depuis un certain temps une forme de taylorisation préoccupante.
Notes et références
- https://www.inrs.fr/risques/bien-etre-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html
- Article L2281-1 du code du travail
- Article L2281-5 du code du travail, modifié par la loi Santé au travail du 2 aout 2021 pour remplacer l’expression « qualité de vie au travail » par celle de « qualité de vie et des conditions de travail » (nouvelle version en vigueur depuis le 31 mars 2022).
- https://www.legifrance.gouv.fr/conv_coll/id/KALICONT000047210577
- https://www.legifrance.gouv.fr/conv_coll/id/KALITEXT000043561903/
- Rapport de Jean Auroux, Les droits des travailleurs, 1981, La documentation française.
Aides ISIDOR
Voir plus bas en face des points concernés
Sur la citoyenneté dans l’organisation et le dialogue social, on peut consulter la dimension Dialogue social, Dispute démocratique et Citoyenneté.
Pour une vision complète des points de vigilance sur l’ensemble des thématiques proposées plus bas, voir ISIDOR, ensemble des grilles d’analyses.
Pour une présentation exhaustive des grands types de thématiques, voir ISIDOR, ensemble des dimensions de la démocratie organisationnelle
La méthode ISIDOR propose un ensemble d’outils pour traiter de ces questions.
Nous renvoyons ici avant tout à la Grille d’analyse Dialogue social, Dispute démocratique & Citoyenneté qui liste les points à vérifier pour garantir cette vie citoyenne dans l’organisation.
Peuvent également être consultés : la dimension Dialogue social, Dispute démocratique & Citoyenneté et son Tableau d’évaluation
Pour l’ensemble des points de vigilance sur le système d’information, voir la Grille d’analyse Système d’information & Représentations plurielles
Peuvent également être consultés : la Dimension Système d’information & Représentations plurielles et son Tableau évaluation.
Pour l’ensemble des points de vigilance sur le système de pilotage et la décision, voir la Grille d’analyse Système de pilotage & Prise de décision.
Peuvent également être consultés : la Dimension Système de pilotage & Prise de décision et son Tableau évaluation.
Sur les types d’indicateurs voir types d’objectifs et d’indicateurs
Sur les caractéristiques d’une décision et notamment son caractère humain, voir le paragraphe qui lui est consacré dans la dimension Système de pilotage & Décision.
Pour l’ensemble des points de vigilance sur l’autonomie, voir la Grille d’analyse Autonomie.
Peuvent également être consultés : la Dimension Autonomie et son Tableau d’évaluation.
Pour l’ensemble des points de vigilance sur le temps & l’apprentissage organisationnel, voir la Grille d’analyse Temps & Apprentissage organisationnel.
Peuvent également être consultés : la Dimension Temps & Apprentissage organisationnel et son Tableau d’évaluation.
Pour plus de détails sur la distinction entre SI et SI numérique, consulter la Dimensions Système d’information, SI numérique et Représentations plurielles
Sur ces points, on consultera avec profit sur le site de l’ANACT la boîte à outils Prendre en compte la QVCT dans un projet numérique