Notre position (synthèse)

L’autonomie comme capacité à définir ses propres normes, est une composante essentielle de la démocratie. Le périmètre de l’autonomie peut varier, de la personne au collectif jusqu’à l’organisation dans sa globalité.
Elle suppose la capacité à défendre ses valeurs, construire ses représentations, révéler/identifier des problèmes et leurs solutions, être à même de mener des actions et de les évaluer.
Concernant l’organisation dans sa globalité, l’autonomie pourra exister dans ses rapports vis-à-vis des clients, des fournisseurs, d’autres parties prenantes, des financeurs, de la structure mère.
Pour un individu ou un collectif, l’autonomie peut connaître des champs différents : autonomie dans la tâche, dans l’organisation du travail, dans les objectifs de l’organisation, dans la définition des finalités de l’organisation.
Pour participer à l’épanouissement de l’individu, l’autonomie suppose de disposer des ressources nécessaires (notamment de temps), doit être choisie et non subie.

Sommaire
Éclairages sur les principales notions utilisées
Étymologie : l’autonomie comme capacité à définir ses propres normes
L’autonomie : un besoin humain
L’autonomie : entre résistance émancipatrice et responsabilisation contrainte
Autonomie et créativité individuelles : un souhait réel dans les organisations ?
Les champs de l’autonomie : le comment plutôt que le quoi ou le pourquoi
Les périmètres de l’autonomie : la personne, le collectif ou l’organisation elle-même ?
Notre position (version complète)
L’autonomie : un ensemble de capacités
L’autonomie : des champs divers correspondant à des degrés différents de démocratie organisationnelle
L’autonomie des personnes : la choisir et non la subir

Éclairages sur les principales notions utilisées

Nota : dans cette partie, une part importante de ce qui suit et toutes les citations (sauf indication contraire) sont empruntés au rapport de la Fabrique de l’Industrie « Au-delà de l’entreprise libérée » (Weil & Dubey, 2020)1.

Étymologie : l’autonomie comme capacité à définir ses propres normes

L’autonomie, au sens étymologique, est la capacité à définir ses propres normes, sa propre (αυτός) loi (νόμος).

L’autonomie : un besoin humain

Dans la hiérarchie des besoins humains d’Abraham Maslow (1943)2 (physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime de soi, de s’accomplir), les deux derniers renvoient à la nécessité d’une autonomie dans le travail.

L’autonomie : entre résistance émancipatrice et responsabilisation contrainte

1) « L’autonomie peut correspondre aux tactiques que les travailleurs emploient pour échapper à l’emprise des multiples régulations qui les enserrent (aménagement des cadences, choix des postures, organisation des pauses, etc.). Ces observations sont alors interprétées comme des marques de résistance et de rejet de l’organisation taylorienne. »

2) « Mais les écarts par rapport aux règles ou la construction collective de nouvelles règles par les travailleurs peuvent aussi révéler leur implication : ils les adoptent pour pouvoir atteindre les objectifs fixés. Dès lors, le management tolère, favorise, voire instrumentalise cette ‘autonomie’, dans la mesure où celle-ci permet d’atteindre une meilleure efficacité que l’application aveugle de normes prescriptives. »

« La plupart des sociologues constatent qu’il y a davantage d’autonomie au travail que par le passé, mais simultanément que les contraintes de toutes natures n’ont cessé d’augmenter : elles ne sont plus seulement imposées par la hiérarchie, mais aussi par les clients, les fournisseurs ou les pairs. Dans ce contexte, ils se sont particulièrement intéressés à la souffrance au travail (dépressions, suicides, burn-out) engendrée par la conjonction détonante de l’autonomie et des contraintes, quand les salariés ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face à leurs nouvelles responsabilités. »

Autonomie et créativité individuelles : un souhait réel dans les organisations ?

L’autonomie permet de redonner à l’individu la possibilité d’exprimer son plein potentiel. Nous pouvons nous interroger aujourd’hui sur la place laissée à cette créativité dans les organisations.

Quels sont les dispositifs prévus par l’organisation ?

Les champs de l’autonomie : le comment plutôt que le quoi ou le pourquoi

Dans le rapport cité, Thierry Weil et Anne-Sophie Dubey proposent de distinguer le comment, le quoi et le pourquoi.

Le comment recouvre les « modalités d’exercice du travail, qu’elles soient individuelles (manière d’exercer la tâche) ou collectives (règles de fonctionnement, modalités de la coopération) ».
Le quoi concerne « l’activité elle-même (business modèle de l’entreprise, stratégie, objectifs) », quand le pourquoi porte sur la finalité de l’entreprise, sa raison d’être (sa mission s’il s’agit d’une EAM3). Notons que ces deux champs sont proches des niveaux de décision tactique et stratégique (voir dimension « Système de pilotage, Prise de décision »).

Dans l’étude qu’ils ont menée sur une dizaine d’entreprises engagées dans l’autonomie de leurs salariés, ils remarquent que celle-ci reste pour l’essentiel cantonnée au comment, et qu’elle porte rarement sur le quoi ou le pourquoi.

Les périmètres de l’autonomie : la personne, le collectif ou l’organisation elle-même ?

L’autonomie observée peut être celle, au sein de l’organisation, d’une personne ou d’un collectif. Elle peut également concerner l’organisation elle-même comme entité globale.

Notre position (version complète)

L’autonomie, au sens étymologique de capacité à définir ses propres normes, sa propre (αυτός) loi (νόμος), est une composante essentielle de la démocratie.

Comme indiqué plus haut, le périmètre de l’autonomie peut varier, allant, au sein d’une organisation, de la personne au collectif, jusqu’à l’organisation dans sa globalité.

L’autonomie : un ensemble de capacités

Elle suppose, pour l’entité concernée, la capacité de :
– défendre ses propres valeurs,
– construire ses propres représentations (d’un problème, d’une situation, de l’organisation dans son ensemble, de l’environnement de celle-ci, de l’avenir souhaitable pour l’organisation, etc.),
– révéler/identifier des problèmes,
– élaborer des solutions à des problèmes,
– être à même de mener des actions,
– évaluer ses propres actions ou celles d’autres entités.

L’autonomie : des champs divers correspondant à des degrés différents de démocratie organisationnelle

Pour un individu ou un collectif, l’autonomie peut connaître des champs différents : autonomie dans la tâche, dans l’organisation du travail, dans les objectifs de l’organisation, dans la définition des finalités de l’organisation… (cf. plus haut le quoi, le comment et le pourquoi).

L’autonomie aux niveaux du quoi et du pourquoi sera pour l’essentiel traitée dans la dimension « Système de pilotage, Prise de décision ».

L’autonomie dans ces divers champs correspond à des degrés différents d’intensité de la vie démocratique au sein de l’organisation.

Concernant l’organisation dans sa globalité, l’autonomie pourra exister (ou non) dans ses rapports vis-à-vis des clients ou usagers, des fournisseurs, d’autres parties prenantes, des financeurs, de la structure mère (dans le cas de filiales ou d’organisations publiques), …

La vie démocratique au sein d’une organisation peut être sensiblement affectée dans le cas où l’organisation n’a que peu ou pas d’autonomie vis-à-vis de ses partenaires externes.

L’autonomie des personnes : la choisir et non la subir

Mais attention, l’autonomie des individus et des collectifs peut aussi générer des situations de grande contrainte (et souffrance), quand des salariés ne disposent pas des ressources nécessaires (notamment de temps) pour assumer l’autonomie qui leur a été accordée/imposée. Ainsi pour participer à l’épanouissement de l’individu l’autonomie doit être choisie collectivement et non subie.

Lors de l’analyse de l’impact d’un SIN sur l’autonomie, il sera important de relever les aspects positifs ressentis de tâches avec très peu ou pas d’autonomie. De telles tâches peuvent en effet permettre de « souffler » un peu, d’alléger la charge mentale…

Notes et références

  1. Weil Th. et Dubey A.-S. (2020) Au-delà de l’entreprise libérée, Enquête sur l’autonomie et ses contraintes, Presses des Mines, Paris.
  2. Maslow A. (1943) « A Theory of Human Motivation », Psychological Review, vol. 50, n°4,‎ juillet, pp. 370-396.
  3. Entreprise À Mission au sens de la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) : https://presse.economie.gouv.fr/wp-content/uploads/2020/11/f7837b5e0a3762b73a729ff1b98bf6d9.pdf

Liens avec les autres dimensions

Dialogue social, Dispute démocratique, Citoyenneté

La vie démocratique suppose des citoyens éclairés, c’est-à-dire autonomes dans leur capacité à participer pleinement à la dispute démocratique (en identifier des problèmes, en imaginant des solutions possibles, défendant leurs valeurs…).

Système d’information et système d’information numérique, Représentations plurielles

Afin de permettre l’autonomie à ses différents niveaux, le SIN doit garantir à tous, au minimum, l’accès à des représentations plurielles. Une expression plus large de l’autonomie demande la possibilité pour tous de créer ou participer à créer des représentations alternatives dans le SIN.

Système de pilotage, Prise de décision

L’autonomie s’exprime par la capacité de prendre des décisions. Selon l’intensité de la vie démocratique dans l’organisation, ces décisions peuvent porter sur la tâche, l’organisation du travail, les objectifs de l’organisation, les finalités de l’organisation… Ces dernières notions sont à rapprocher des niveaux de décision (opérationnel, tactique, stratégique).

Temps, apprentissage organisationnel

L’autonomie doit être une construction progressive. Elle relève de l’apprentissage aussi bien au niveau des individus et des collectifs (qui doivent être correctement formés pour assumer leur autonomie), qu’à celui de l’organisation entière (apprentissage organisationnel).
On observera que le temps très court de la finance et des marchés financiers entrave l’autonomie des organisations. Une entreprise financiarisée, en particulier, a perdu toute autonomie et n’est plus en capacité d’élaborer une stratégie, voire d’assurer sa pérennité étant considérée par ceux qui détiennent son capital (de façon le plus souvent éphémère), comme un actif liquide.